Les boîtes de conserve ont conquis le monde – les États-Unis seuls produisent 130 milliards de boîtes par an ! À l’origine symbole de progrès, cette petite boîte en métal est devenue un accessoire discret dans toutes nos armoires de cuisine. Sa toute-puissance la rend finalement presque invisible.

Pratiques, mais sont-elles saines et sans dangers ?

Les boîtes, dont la principale qualité est d’assurer la conservation des aliments sans avoir besoin d’ingrédients supplémentaires, sont devenues au fil du temps des éléments indispensables dans nos cuisines. Cela nous permet de trouver des produits hors saison mais aussi de les conserver plusieurs années. Voici un aperçu de ce qu’il faut savoir sur les aliments en conserve. 

Que dire de la nourriture en conserve ?

Tout d’abord, les aliments sont blanchis, placés dans un bocal de livraison et soumis à un traitement thermique appelé mise en conserve.

Les métaux sont-ils mauvais pour la santé ?

Non. Les boîtes métalliques ont toujours une couche protectrice à l’intérieur qui empêche les aliments d’entrer en contact direct avec l’aluminium ou l’acier. En même temps, les métaux aident à préserver les aliments de la lumière. Ils conservent ainsi donc tous leurs nutriments.

La couche protectrice contient-elle du bisphénol A (BPA).

Au chauffage, une boite de conserve enduite de polycarbonate, des BPA se libèrent de la paroi et se mêlent  aux aliments. Mais pour que la quantité libérée soit nocive pour la santé humaine «  il faudrait consommer plusieurs centaines de boites de conserve par jour pour dépasser le seuil de BPA jugé sécuritaire », comme l’indiquait en 2009, Christelle Legault, Porte-parole de santé Canada. En outre, depuis le 1er janvier 2015, les produits commercialisés en France n’utilisent aucune substance de la famille des bisphénols. Cette règle est-elle respectée à 100% ?

Les nutriments des aliments sont-ils conservés ? Oui, en partie. Les nutriments sont conservés en moyenne à 70%. En fait, les aliments en conserve sont l’équivalent des aliments frais et cuits. La quantité de fibres, de glucides, de lipides (en particulier les poissons gras oméga-3) et de protéines reste la même. Certains produits sont encore plus intéressants d’un point de vue nutritionnel en conserve, c’est là que les tomates sont plus riches en antioxydants en étant cuites au moment de la mise en conserve (un processus qui consiste à chauffer la conserve jusqu’à sa température finale de conservation). De plus, les légumes sont toujours cueillis à maturité. Moins de six heures plus tard, ils sont mis en conserve pour conserver le plus possible leurs nutriments.

Bilan de santé fiable ?

A priori, oui. Dans toute l’industrie de la conserve, du champ (ou de la mer) à l’assiette, les boîtes bénéficient d’une inspection à toutes les étapes. Ils sont mis en œuvre tant par les entreprises que par les pouvoirs publics. De plus, le processus de production lui-même est sûr puisque la boîte est chauffée à plus de 100°C pendant quelques minutes, ce qui tue tous les micro-organismes pathogènes.

Son contenu est donc sain. Mais qu’arrive-t-il aux boîtes elles-mêmes après utilisation ? Contribuent-ils également à protéger l’environnement ? Au départ, supposons que la canette est en matériau 100 % recyclable (acier ou aluminium). Ils ne perdent pas leurs propriétés avec le temps et par le recyclage. Petite bonne nouvelle pour l’environnement. Mais sont-elles recyclées? Aussi sont-elles aussi inoffensive qu’elle en a l’air ? Rien n’est moins sûr.

Les boites de conserve, protagoniste de la crise environnementale ?

Ce type de conservation (celle en boite) des aliments pose initialement de nombreux problèmes écologiques. Les contenants en aluminium sont 100 % recyclables, mais ils doivent avant tout être amenés à un point de recyclage. Avec un taux de recyclage de 65 %, les boites de conserve en aluminium sont les emballages de boissons les plus recyclés, selon les fabricants. Ce qu’ils ne mentionnent pas, cependant, c’est que contrairement à d’autres matériaux d’emballage utilisés, l’aluminium consomme beaucoup plus d’énergie pour produire. Le processus de conversion industrielle pour extraire ce métal consomme énormément d’électricité. Il faut tenir compte de l’impact environnemental lors de l’extraction de la bauxite, le minerai qui permet de fabriquer l’aluminium. A cela, si on ajoute les boîtes de conserve, si elles ne sont pas recyclées, elles sont le contenant le plus énergivore, environ cinq fois plus que les bouteilles en plastique. Les canettes en aluminium représentent 41 % (100 milliards) des contenants vendus dans l’industrie des boissons. De même, l’impact environnemental de l’expédition de ces milliards de conteneurs en aluminium vers tous les marchés du monde ne peut être ignoré. Les canettes peuvent atteindre différents marchés plus loin les uns des autres. Parcourir ces distances par voie terrestre ou maritime contribue nécessairement au réchauffement climatique via les émissions de dioxyde de carbone.

 Les canettes sont-elles toxiques pour les humains ?

De plus, on soupçonne l’empoisonnement des consommateurs par les produits chimiques contenus dans les produits en conserve. C’est notamment le cas du BPA (même si elle est de quantité très infime dans les aliments en conserve), qui affecte le système reproducteur et est suspecté de provoquer le cancer. Santé Canada estime que les Canadiens consomment en moyenne 0,043 µg/kg de poids corporel/jour de BPA (apport quotidien). Les données permettent à Santé Canada d’affirmer que l’exposition au BPA « ne devrait pas poser de risque pour la santé ». Logique non ? Pas sûr, puisque Cicolella répond dans son livre Toxic Planet (2013). Ce toxicologue, chercheur dans le domaine de la santé environnementale, confirme qu’il est impossible de mesurer les effets de chaque toxine ingérée par l’homme. Au contraire, tous les produits chimiques forment des « cocktails toxiques » qui peuvent perturber le système endocrinien et certains composants génétiques, même à des doses minimes. Ainsi, certaines molécules d’origine chimique peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine, même en quantités infimes. L’obésité, le cancer, le diabète et l’infertilité sont quelques-unes des conséquences importantes que ce « cocktail toxique » peut avoir sur l’homme

Que faire  pour se libérer de la boîte ?

Les conserves alimentaires posent donc de nombreux problèmes écologiques, sanitaires, sociaux et …même politiques. C’est un effet typique de ces techniques industrielles qui, comme le soutient Ivan Illich, deviennent contre-productives après une certaine diffusion. Au lieu de nous faciliter la vie, les boîtes de conserve nous compliquent la vie. Nous devrions donc pouvoir l’éviter. Mais comment ? Tout d’abord, il faut rappeler qu’il existe de nombreuses autres techniques de conservation des aliments, dont certaines remontent à des dizaines de milliers d’années. Le séchage, la fermentation du lait, le fumage, la conservation avec du sel, de l’alcool, du vinaigre, de l’huile, du sucre et de la graisse sont quelques-unes des techniques qui ont fait leurs preuves et sont accessibles à tous. Elles sont pour la plupart écologiques. Elles présentent de nombreux avantages nutritionnels et sanitaires.

Mais d’un point de vue décroissant, la première chose que nous devrions  faire est de réduire notre consommation d’aliments en conserve au profit d’aliments frais. Court-circuit ! C’est un préalable pour s’affranchir de la domination de la grande distribution et de l’industrie agro-alimentaire et reprendre le contrôle sur les aspects les plus importants de notre vie. Elles demandent un temps important. Mais avec le travail, ou l’emploi rémunéré, qui occupe une place si centrale dans nos vies, la ressource qui nous manque le plus aujourd’hui est le temps. Les boîtes de conserve ne gagnent en popularité que parce qu’elles sont le moyen le plus simple (à court terme !) et le moins cher de manger lorsque vous passez la majeure partie de votre journée à gagner de l’argent. Il est donc très difficile de sortir de ce régime sans cesser de vendre son travail, et donc son temps, aux autres. Reprendre véritablement le contrôle de notre alimentation signifierait probablement mettre fin au rapport social de base du capitalisme : le salariat…

A défaut de pouvoir abandonner complètement les boites de conserve, surtout qu’elles sont moins dégradants pour l’environnement (moins que les plastiques et les verres (dont la production nécessite plus de chauffage et donc de plus de gaz nocifs)), il faut :

  • Que les pouvoirs publics investissent dans le tri des boites déjà utilisées,
  • Créer davantage de centres de recyclages,
  • Sensibiliser davantage pour une consommation responsable…

Bref, comme toujours, se fier aux apparences est trompeur, les boîtes de conserve au fond de notre garde-manger ne sont pas des objets anodins et insignifiants. Son existence est indissociable de notre modèle social et de ses principaux effets négatifs : dégradation de l’environnement, injustice sociale et perte d’autonomie. Il faut donc une vraie révolution pour s’en débarrasser !